Je saisis cette opportunité pour exprimer ma sincère gratitude au Président Gérard Larcher et à la commission d'événementiel du Sénat, qui m'ont sélectionné pour exposer au pavillon Davioud cet été, dans le cadre de «Voyage Blanc à travers le Japon». Cette exposition retrace l'histoire imaginaire d'un couple japonais qui scella leur union le 5 août 1945, avant leur départ du 6 août à 8h15, emporté par «Little Boy», la funeste bombe. Du 27 juillet au 7 août, peu de visiteurs foulèrent les allées de l'exposition, entravés par les caprices météorologiques. On avait l’impression d’être en octobre, avec le vent, la pluie, et même un jour d'orage qui obligea la fermeture du jardin.
J'ose espérer une nouvelle occasion de dévoiler «Voyage Blanc à travers le Japon» dans un autre lieu, afin que chacun puisse contempler les ravages d'une bombe atomique et découvrir l'histoire poignante du couple japonais, Ayako et Takashi.
Je tiens à exprimer ma gratitude envers le cabinet du Président de la République. Malgré les différentes opinions qui entourent le Président, il est indéniable que sa notoriété suscite diverses réactions. Dans un geste de courtoisie, son cabinet a pris le temps de répondre à mon invitation, mentionnant que le Président Emmanuel Macron et la Première Dame Brigitte Macron étaient malheureusement indisponibles. Recevoir une réponse de l'Élysée m'a particulièrement honoré.
Je saisis également cette occasion pour exprimer mes chaleureux remerciements aux visiteurs du jardin du Luxembourg, en particulier aux Japonais qui ont fait le déplacement pour explorer mon univers à travers le Japon. Un remerciement particulier à une Japonaise rescapée d'Hiroshima. Merci à mes amis, ma famille, ainsi qu'à tous ceux qui m'ont soutenu dans cette aventure artistique exigeante. C'est grâce à leur dévouement que mon œuvre a pu rayonner et trouver son aboutissement dans ce lieu magnifique.
Néanmoins, lors de mon exposition intitulée «Voyage Blanc à travers le Japon» au Pavillon Davioud, un instant lumineux s'immisça dans cette atmosphère pluvieuse dans le jardin du Luxembourg. Une rencontre inattendue avec une religieuse, émue par la création sur les artefacts post-Hiroshima et une toile emblématique d'espoir après la tragédie nucléaire, elle me gratifia du livre d'Édouard Glissant et Patrick Chamoiseau «L'intraitable beauté du monde adressé à Barack Obama». J'en fus profondément ému. L'ouvrage évoque avec justesse les maux qui affligent aujourd'hui les âmes, qu'elles soient blanches ou non, désireuses de conserver leur territoire à l'abri des couleurs diverses. Cependant, le monde évolue, et l'afflux d'émigrants en Europe ne fera que croître.
Les mots de cet ouvrage invoquent : «La créolisation des sociétés modernes, qui s’oppose aux traditionnelles poussées de l’exclusive ethnique, raciale, religieuse et étatique des communautés actuellement connues dans le monde».
En tant qu'artiste, il m'est difficile de dissimuler ma profonde réserve quant à l'égard que je porte envers la ministre et le ministère de la Culture. Un nombre considérable de lettres, accompagnées d'un catalogue soigneusement élaboré, ont été acheminées par voie postale, adressés à ce ministère, que ce soit à l'époque de Roselyne Bachelot en 2022 ou récemment à Rima Abdul-Malak. Hélas, point de réponse n'a jamais transparu, tant de la part de la ministre que de son cabinet. En ce qui concerne la ministre de la Culture, il apparaît clairement que le sort des artistes qui aspirent à vivre, voire simplement survivre et cherchent à se faire connaître, lui soit insensible, voire dédaigné. Tandis que la ministre et son cabinet semblent être davantage attirés par les plaisirs gastronomiques lors de réceptions fastueuses, à l'instar des cérémonies prestigieuses telles que les César ou les Molière.
Cette indifférence à l'égard des artistes soulève en moi une question profonde: qui suis-je donc à leurs yeux ? Un créole des îles, certes, mais également Français de par ma naissance à l'île de La Réunion. Cette exclusion et cette insensibilité envers les artistes français des outre-mer sont difficiles à accepter, car ils contribuent tout autant à la richesse culturelle de notre pays. Il est grand temps que le ministère de la Culture accorde une attention équitable à tous les talents, quelle que soit leur origine géographique, et qu'il soutienne véritablement ceux qui aspirent à s'épanouir dans leur art.
Hélas, le rejet de certaines galeries parisiennes quant à l'exposition de mon art se teinte de discrimination liée à la couleur de ma peau. Trop noir pour les blancs, trop blanc pour les noirs, me voici confronté à un dilemme anachronique au sein de ce 21e siècle, en l'an 2023. Le changement, semble-t-il, n'épargne guère des âmes telles que la mienne. Lors de ma récente présentation auprès de l'une de ces galeries que je ne citerais pas le nom, l'on m'a catégoriquement signifié qu'elle ne saurait exposer «DES GENS COMME MOI». Des gens comme moi, quelle énigmatique formule ! Interrogé à ce sujet, le préposé à l'accueil se borna à répéter «COMME VOUS», émanant pourtant des ordres de la direction. «Je me suis posé la question des gens comme MOI? Parce que je suis noir, parce que je suis grand, petit, maigre, beau, laid, inintéressant ...» Hélas, je n'ai pas trouvé de réponse satisfaisante.
Je n'accuse personne, j'observe, j'écoute. Peut-être suis-je dans l'erreur, mais je suis ouvert à ce qu'on me démontre le contraire.
Thierry Esther - jeudi 8 août 2023